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Publié : 28 févr. 2014, 19:51
par Bubu
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EDITO 02/14

Hélicobacter Horribilus Piloris

Monica (on va la dénommer ainsi) me l'avait décrit d'une façon inoubliable ! Elle hébergeait cette horripilante bestiole dans son estomac, bien au chaud, au milieu des gargouillements de ses sucs gastriques. Et Mathilda (on va l'appeler ainsi) avait cru bon, pour la consoler, d'affirmer : « Oh, tu sais, vue sous le microscope, une araignée, transformée en éléphant, te ferait piquer un sprint, vite fait, bien fait ! »

Monica suivait un traitement de choc, tous les 6 mois, pour exterminer la bestiole horripilante, responsable de ses ulcères d'estomac, et de beaucoup d'autres crimes, dont celui de provoquer des cancers à tour larigo.

Le traitement consistait en une énergique purge aux antibiotiques. Ça s'appelait « trithérapie » (pas celle concernant le sida quand même !).

Je m'étais sagement tenue coite. J'avais juste avancé timidement : « Ben, tes entérocolis, au niveau de ton colon, t'en fais quoi !? »

Timidement, j'avais juste prétendu, de plus : « Moi, je m'étais dégonflée, vue la trithérapie qui te donne à tous les coups une triple chi...chi...chiante !! » (c'est le cas de le dire !).

« Oh mais, rétorqua péremptoirement Monica, quand y faut, y faut !! Le toubib l'a dit ! Donc j'le fais ! C'est bête : la bestiole renaît de ses cendres, tous les 6 mois, mais on verra bien laquelle de nous deux sera l'ultime... vainqueur... Elle eut une ultime hésitation (devait-elle dire : « vainqueuse » ?).

C'est bête, songeais-je, depuis le temps qu'ils parlent de l'égalité des sexes, ils auraient bien pu mettre « vainqueur » au féminin... mais non, vérification faite dans le Petit Larousse, il n'y a que des vainqueurs hommes ! (les professeur(e)s, peu à peu, se féminisent - tout comme les auteur(e)s - mais pas encore les docteurs...).

Et sur ce, me revinrent en mémoire, opportunément les croquettes de Mister Yack, lesquelles risquaient le soir même de tomber en pénurie, entraînant par-là même tout un cortège d'embêtements du genre : « tu vois bien qu'j'ai pas mangé à ma faim, qu'est-ce que t'attends pour me r'filer tes restes ? - Non pas ton reste de soupe aux poireaux, plutôt tout le gras d'la viande que t'allais j'ter, j'l'ai bien vu... ! Eh, s'il te plaît, sois un peu polie, aussi... ne lis pas pendant qu'tu manges, refiles-moi juste le nonos au bout d'la table, avec une p'tite caresse, si ça va. Et p'têtre ben, du coup, j'te foutrai la paix... ».

Oh, vite, les croquettes de Mister Yack, à l'hypermarché du coin ! Et là, par quelle association d'idées m'étais-je remise à songer à Hélicobacter Horripilus ? Peut-être même horribilus, en plus ! C'était arrivé comme ça : j'oubliais régulièrement de me munir de ma loupe pour scruter les secrets d'alcôve - je veux dire : ce qui était écrit tout petit sur les gros paquets de produits préfabriqués-précuits et préemballés. Mais j'avais mis au point une tactique qui s'appuyait sur la méthode statistique globale, pour compenser mon défaut de vision et de mémoire : plus longue était la liste des additifs, conservateurs, acide machin, aspartame et amstramgram, et moins j'achetais... Parfois je risquais même de souffrir de la faim, ne me prenant pas toujours le temps de cuisiner « du frais », et me refusant absolument à nourrir mon propre Hélicobacter Piloris de tout ce dont il était très friand, à savoir : additifs, colorants, conservateurs, acide machin, aspartame et amstramgram.

Car mon Hélicobacter à moi, il restait tapi, le plus souvent, à moitié endormi, dans un petit racoin de mon estomac. Mes défenses naturelles avaient dû le neutraliser. Mais si jamais je m'avisais de lui distribuer, deux journées de suite, les bonnes substances susdites, dont il raffolait, bing et bang et ratatang, il me labourait la panse de ses dents de requin - si bien que j'avais trouvé ce compromis, finalement bien pratique : plus la liste était longue, moins j'achetais, et mieux je me portais.

Mais allez donc dire ça à quelqu'un qui croit en les vertus de la « trithérapie ». Je risquais de me faire lapider au même titre que si j'avais nié l'existence de Mahomet, du Dieu des chrétiens, ou de Jéhovah !

Ce n'était pas tous les jours facile. Certains jours, j'errais dans les travées, saisie d'un irrépressible besoin d'absorber quelques protéines, autres que celles des œufs des poules élevées « à l'air libre » - ou « au grand air », ou « en liberté », je ne sais plus trop. Et d'ailleurs je n'avais jamais réellement su dans quelle mesure les œufs bio avaient été pondus par une poule courant picorer les vers de terre dans le pré, ou plutôt les cous déplumés de ses voisines encagées. J'étais certaine d'une chose : il fallait à tous prix que j'évite la belle viande très très rouge dont la bouchère, souriante et active, se plaisait amoureusement à débiter, de son couteau bien aiguisé, de superbes tranches. Depuis qu'un jour un jeune boucher, aussi naïf qu'un peu trop bavard, m'avait avoué en aparté, qu'on trempait la viande dans un colorant rouge, avant de la placer en étalage, je faisais semblant de regarder ailleurs, en passant, toute raide, devant de gentilles filles qui ne souhaitaient qu'une chose : me couper, avec leur couteau bien aiguisé, une belle tranche d'entrecôte piquetée d'un brin de gras, un brin rosé (quand la graisse, et la moelle de l'os sont rosés, c'est que la viande est colorée - ça rime... et c'est vrai ! Et ça rime encore...).

Vous voulez la preuve !? Prenez un bon kg de bœuf pour le pot-au-feu (rondelle ou haute-côte, par.ex.), faites tremper la veille (sans chauffer) dans votre grande marmite. Le lendemain matin, récupérez l'eau : elle est rouge. Récupérez la viande : elle est devenue blanche...

Ensuite, ben, agissez selon vos goûts, et votre appétit !

Du temps de ma mère, ça n'existait pas ! L'eau restait blanche, et la viande rouge. Sauf dans un cas particulier : lorsque ma mère cachait son porte-monnaie en maroquin dans la cocotte-minute, avant d'aller ouvrir quand ça sonnait à la porte. Dans ce cas, par contre, le bouillon de bœuf était vert. Mais les billets de banque parfaitement récupérables.

Sur ce : bon appétit à tous et à toutes (du fond du cœur !)

La Présidente-Fondatrice de Cancer-Espoir : Simone SCHLITTER

Publié : 06 avr. 2014, 21:25
par Bubu
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EDITO 03/14

En ce temps-là...

Pour mon 4ème bébé, j'avais accouché à domicile. Pour les 3 précédents, j'avais élu domicile à la maternité de Beauregard, celle-ci ayant eu tout loisir, depuis des lustres, d'être transférée rue de Friscaty. Là où, depuis le 2ème étage, vous visionnez les HLM rénovés de la Côte des Roses, et, d'un peu plus haut, la fière forêt des quartiers du seizième - pardon : la forêt de Guentrange.

En bref, mon 4ème bébé était né « à la maison ». Aujourd'hui, avec tous nos progrès, cela mériterait plus qu'un petit entrefilet en page région, peut-être. Mais à l'époque, c'était tout ce qu'il y avait de plus normal.

En ce temps-là, les souffrances de l'accouchement n'étaient pas appréhendées. Personne n'était conditionné pour ce faire. Elles paraissaient « normales », ces douleurs. Bienfaisantes. Libératrices (forcément !). Et le prélude à toutes les joies et douleurs que les jeunes parents seraient forcément amenés à éprouver lors de leur parcours sur le carton d'un jeu de l'oie particulier, où l'on ne retombe jamais 2 fois de suite sur la case départ.

En ce temps-là... la vie était si belle...

Belle, vraiment !? Oh oui ! Avec de l'amour, elle était toujours belle. Même dans la douleur. Surtout dans la douleur. Surtout avec le risque (il n'y a rien de plus triste qu'une vie trop lisse).

Notre sage-femme, en laquelle nous avions placé - sans réflexion ni enquête préalable - toute notre confiance - et nous l'avions bien placée - avait retroussé ses manches, revêtu un grand tablier blanc, désinfecté sa seringue, et elle m'avait aussi expliqué que cela était prévu pour faire accélérer les choses.

J'avais poussé, poussé, ainsi que j'en avais une certaine habitude, et le bébé avait vu le jour. Il avait crié, normalement. Il avait été baigné. L'eau avait été mise à chauffer sur le gaz dans une bouilloire.

Le bébé était une fille, d'ailleurs (la première et l'unique fille, en fait).

Pour mes quatre accouchements, une sage-femme s'en était occupée. Pour mes trois premiers, une alerte sexagénaire, qui régnait à l'époque sur son petit monde, à la maternité de Beauregard. Ensuite, une quinqua, les mains rougeaudes, pétant la santé, issue du monde paysan, laquelle personne, en matière de « cabinet », à « Basse-Yutz », disposait, sans que cela ne la gênât le moins du monde, d'un appartement privé, standing moyen, jouxtant la grange où s'ébattait un cochon tout rose, au milieu d'une basse-cour caquetante.

J'étais passée par les mains d'un gynéco, néanmoins, en début de grossesse. Juste pour le diagnostic. En ce temps-là, les accouchements par les gynécos se réalisaient principalement dans des cliniques privées, et leur fréquence ne se comparait pas à celle d'aujourd'hui.

Les césariennes existaient. Elles étaient craintes. Et heureusement rares. Aujourd'hui, « c'est monnaie courante ». J'ai un jour dans une certaine revue eu l'occasion de prendre connaissance de l'opinion d'un chirurgien, vieux en âge autant qu'en expérience, semble-t-il. Son propos se résumait à ceci : « Il y a abus de césariennes ! Il faut arrêter avec ça ! ».

Mon idée perso : l'utérus, pour une femme, c'est aussi important que le sexe avec un grand S, pour un homme... Peut-être serait-il opportun - dès lors - ceci dit tout à fait timidement - de se poser publiquement la question de déterminer où, quand et comment, le coup de bistouri est réellement donné « à bon escient », et ce qu'est exactement « le bon escient ».

Je prononce le mot « timidement », car je ne suis ni spécialiste de la chose, ni même modeste généraliste. Je suis une femme, quidam parmi de nombreuses autres, (avec - ô joie - un utérus en l'état) - une femme à qui il arrive de réfléchir sur les pratiques actuelles de notre société, avec une sorte de recul « d'historien ». Différence : chez moi, ce n'est pas la culture qui fait « l'historien », c'est une longue vie bourrée de joies, d'embûches de toutes sortes, de comparaisons, de réflexions... de lectures, aussi. D'observations. Et, il faut le dire : de souffrances multiples. Dont certaines auraient pu, et dû, être évitées. Si certaines questions s'étaient posées, aux bons moments.

Mais j'en reviens à mes mout... à ma présente mouture (les péridurales) : quant à celles-ci, donc, elles permettent aux futurs parents de voir pointer le bout du nez de leur progéniture sans souffrir d'autres affres que celles de la peur et de l'appréhension. Suivies, heureusement, le plus souvent, de l'exaltation en face de ce nouveau miracle de la création : une petite vie nouvelle, qui va prolonger la vôtre, pour l'éternité, si Dieu le veut !

Encore que, dans l'entourage ouaté et stérilisé de nos salles d'accouchements actuelles, il est permis de penser que la peur soit mise en sourdine, en-même temps que l'agressivité des microbes.

Toutefois, l'autre jour, j'ai eu à faire à une jeune femme, grande, saine, et courageuse, qui m'a raconté qu'elle venait de refuser, en accord total avec son époux, une péridurale qui, selon eux, « n'avait plus rien de naturel ».

Tout s'était bien passé... Le futur papa tenant la main de sa compagne et l'encourageant aux efforts. Elle, avait souffert physiquement, et lui, juste dans son cœur... Mais souffrir physiquement, est-ce que cela n'est pas, d'un côté, plus rassurant que de souffrir « dans son coeur » ?

Ils avaient eu l'impression, tous les deux, d'avoir, « à eux deux tout seuls », mis leur bébé au monde. C'était, certes, aussi, beaucoup, grâce à la sage-femme. Un peu, probablement, aussi, grâce au gynéco. Mais « le vrai travail », il avait été fait par eux deux, tout seuls !

Moi, je trouve que c'est super, de pouvoir être fiers, entre autres, pour cette raison-là !

P.S. : je lis à l'instant dans Fémina du RL p.32 : « Feu vert pour les maisons de naissance », qui existent, nous apprend-on, déjà, en Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Suisse, Etats-Unis, Canada - où elles remportent un vif succès... Fin novembre, nos députés auraient adoptés une proposition de loi autorisant en France leur expérimentation durant 5 ans. Un peu plus loin, on nous explique : « Il s'agit de maisons où les femmes, ne souhaitant pas (ou plus) l'environnement médicalisé de l'hôpital vont pouvoir accoucher naturellement, sans péridurale ».

Vous avez dit « télépathie » ?!


La Présidente-Fondatrice de Cancer-Espoir : Simone SCHLITTER

Publié : 01 mai 2014, 13:07
par Bubu
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EDITO 04/14

Les bis, bisous, biz, bises, bisoux, et autres gâteries

Paraît-il que les chinois, (à moins que ce ne fussent les esquimaux...?) pour montrer qu'ils s'aimaient bien, se frottaient, nez contre nez. Nous, maintenant, en France, ce serait plutôt joue contre joue. Je ne parle pas du bouche-à-bouche, bien sûr, dans un autre contexte, celui-là. Situons les choses clairement : j'entends ici le contexte des bonnes relations, tout bêtement, entre copains, amis, ou similaires.

Curieux comme les mœurs évoluent... Il y a une cinquantaine d'années de cela - comme je suis très jeune, je m'en souviens parfaitement - l'on s'embrassait « bouche contre joue ». Aujourd'hui, c'est joue contre joue, car avec le rouge à lèvre, on ne sait jamais. Et puis, l'hygiène aidant... Autrement dit, si vous aviez l'habitude de placer un baiser sonore sur la joue de votre bonne copine, ou copain presque préféré, à présent, méfiez-vous. Visez plutôt carrément le creux de l'oreille que le coin de la bouche. Par contre pas de sonorités, sinon vous allez risquer de crever les tympans sensibles !

Certes, on se serre encore la main, mais de moins en moins. Certes, une bonne poignée de main, cordiale et franche, est toujours appréciée, celui qui a la main molle hérisse toujours autant. Celui qui condescend, de toute sa hauteur, à abaisser sa main pour vous la tendre irrite, de même, toujours autant. Toutefois, peu à peu, nos rites ont tendance à glisser vers le joue à joue. Certes, celui - ou celle - qui condescend à vous tendre généreusement sa joue, énerve toujours, et celui ou celle qui spontanément vous plaque un baiser sonore et bruyant du côté où vous avez mal aux dents trouve encore, le plus souvent, néanmoins, grâce à vos yeux.

Les biz (ou bises), se distribuent à présent à tire-larigot. Comme il n'y a pratiquement pas de contact physique (surtout si c'est par lettre ou mail), on risque peu, d'ailleurs, la contamination. C'est un moyen aimable d'entretenir, sinon d'excellentes relations, du moins d'en garantir « la lissitude ». J'entends par là le côté lisse. Je veux dire le côté gentillet. Sans méchanceté, quoi ! Et parfois même avec gentillesse.

Certes, les biz (ou bises) se distribuant dans tous les azimuts, tout le temps, ont, comme la monnaie qui se dévalue, par eux (ou elles)-mêmes, peu de valeur.

Pour bien marquer le coup, d'ailleurs, les personnes à la sensibilité à fleur de peau préféreront vous écrire : « je t'embrasse ». C'est plus imagé. Moins banal. Cela signifie : « je me rapproche de toi, te prends dans mes bras, te serre, et te fais la bise, entre vrais amis, cela en vaut bien la peine ! ».

Et certains, même, à force de le dire, finissent par le croire.

Ô, que de sarcasmes ! Que m'arrive-t-il pour plaisanter ainsi à propos des quelques rares bonnes choses que nous réserve l'existence !?

Vite, revenons à de meilleurs sentiments : si les biz-bises (ne pas confondre avec bisbilles) se sont ainsi dévaluées, à force d'être distribuées davantage encore que la pub dans votre boîte à lettres, essayez voir de refuser une poignée de main, ou des biz, à quelqu'un qui vous les offre ! Moyen simple, facile, radical et peu coûteux d'offenser à mort ! Un conseil : ne le faire que dans des cas précis et graves, sinon vous risquez de faire le vide autour de vous, les gens tombant à vos pieds comme des mouches.

Allez, comme je suis de très bonne humeur ce jourd'hui, je vais vous confier un truc : en fait, des biz, bises et bisous, j'en donne beaucoup. Certes, partout aux alentours, aux copains, copines, personnes amies à divers degrés, et même à ceux et celles qui font juste semblant de l'être (il faut bien vivre avec son temps, que voulez-vous...).

Mais lorsque je vais voir mes amis et amies, recluses, dans des maisons spécialisées pour suppléer aux bons soins qu'aucun conjoint, qu'aucune famille, ne peut plus assurer, je donne « de vrais baisers », souvent sur les deux joues. C'est pur égoïsme de ma part. Car cela me réchauffe le cœur de sentir l'onde de bonheur qui émane de ces joues creuses, osseuses, à la peau blanche et toute plissée, lorsque j'appuie mes lèvres, à quelque part, sur leur visage. Oh, parfois, consciente de la perfection du tracé de mon rouge à lèvres, j'essaye de tricher un peu. J'essaye de faire, juste, du « joue-à-joue ». Alors, je sens la personne que je fais ainsi semblant d'embrasser se révulser, et les ondes de sa déception qui me bombardent de partout. Alors, vite, j'embrasse « vraiment ». Et, aussi vite, ces gens, mes frères, mes sœurs, qui peuvent encore bouger, beaucoup, un peu, ou presque plus, me saisissent la tête, frémissent, et, avec plus ou moins de bonheur, m'étreignent, et m'embrassent « vraiment »... Et me disent « merci » ! Et je comprends bien que cela veut dire : « merci du fond du coeur » !

Alors je réponds : « je vous défends de me dire merci ! ». C'est MOI qui VOUS remercie !

Oh, bien sûr, dans la vie de tous les jours, pour faire comme tout le monde, je reçois des centaines de biz-bises et les redistribue. Sans trop y penser, d'ailleurs. Machinalement.

Mais, à quelque part, j'ai des goûts d'esthète. Ne le répétez pas : j'aime l'authentique !

La Présidente-Fondatrice de Cancer-Espoir : Simone SCHLITTER

Publié : 31 mai 2014, 10:26
par Bubu
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EDITO 05/14

Les lunettes roses
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Chevaliers de la table ronde... Ma cabane au Canada... Les feuilles mortes... Lili Marleen... Le p'tit cordonnier... La claire fontaine...

Tout mélangé. Avec des voix de fausset - ou de soprano - ou de baryton - voix erraillées - trébuchantes ou encore fermes - qui jaillissaient du fond de la gorge.

Les aveugles se remettaient à vivre. Leurs yeux éteints lançaient des flammes dans la claire lumière du matin. Nous chantions avec conviction. Animés d'une même passion joyeuse. Comme c'était facile de faire plaisir. D'oublier ses soucis. Et ses peines secrètes. De communier dans ce même appétit de la vie. Non, ce n'était pas en aidant qu'on se faisait aimer... C'était en partageant. C'est comme ça qu'on devenait amis. Pas spécialement en aidant de sa science, de son savoir-faire - de son argent - ou de son influence.

Comme c'était facile ! Et comme je les aimais, tous ces gens-là, dans ces nouveaux établissement dénommés savamment « EHPAD », et dont, pour toujours, ce serait... la dernière demeure ! Un jour, mon tour viendrait. Dieu seul savait quand. En attendant, pour l'oublier, je donnais le ton et la mesure : « Je serais enterrée, comme les chevaliers de la table ronde : les deux pieds contre la muraille - et la gueule sous le robinet ! ».

En passant ce matin, en voiture, comme si souvent, dans l'un des petits villages tout proche du mien, j'avais enfin aperçu les lampadaires un peu antiques, un peu coquets, qui ornaient cette route, si souvent empruntée par moi sans rien voir d'autre que les quelques maisons familières dont j'aimais découvrir - un peu - brièvement - l'âme secrète - au volant d'une voiture qui filait toujours trop vite pour me permettre d'en découvrir davantage qu'un tout petit bout. En passant. Un petit bout de vie. Parce que le temps vous filait toujours trop vite entre les doigts. Au volant. Et aussi dans la vie de tous les jours.

Je ne connaissais pas les lampadaires de ce village. Mon œil les avait aperçus, distrait. Mon cerveau les avait court-circuités, définitivement. Aujourd'hui, mes lunettes de soleil aux verres teintés m'avait fait voir le paysage autrement. Lorsque dans l'un des contes d'Hoffmann, le héros décrit les lunettes qui lui font voir une ravissante jeune fille à la place d'un automate, il ne fait que traduire un état de fait universel : en fonction des lunettes (symboliques ou réelles) que nous avons sur le nez, nous occultons ceci - découvrons cela, et voyons la vie en rose, en noir ou en gris. Au sens propre ou figuré.

Aujourd'hui, je la voyais en rose ! Certes, l'amitié était un mot fort galvaudé, qui ne signifiait pas grand chose, si ce n'est de témoigner de notre désir bien compréhensible à nouer les meilleures relations possibles avec les autres. Et en fonction des lunettes qu'on pouvait avoir sur le nez...

Aujourd'hui, je voyais la vie en rose ! Un tel m'écrivait des trucs pas emballants. Pardonné ! : le post scriptum était charmant ! On ne me donnait pas de nouvelles - on ne s'informait de rien ? Pardonné ! L'ami était malade. Il souffrait d'un mal secret que la pudeur l'empêchait de communiquer aux alentours. Et même de confier à son meilleur ami. C'était peut-être faux. Mais peut-être vrai. Au lieu de singer les dédaigneuses, les moqueuses, j'aurais mieux fait de considérer la vie comme elle se présentait - derrière mes jolies lunettes de soleil. Et de placer dans ma bouche, en retour, quelques paroles lumineuses et chaudes, plutôt que dubitatives et un brin grinçantes.

Et finalement : les autres n'auraient dès lors plus eu besoin de lunettes teintées de rose pour me percevoir telle que j'étais (dans mes bons jours) : une personne charmante !

La Présidente-Fondatrice de Cancer-Espoir : Simone SCHLITTER

Publié : 07 juil. 2014, 11:06
par Bubu
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EDITO 06/14

Plaidoyer - Les patients de l'ombre
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Les patients sont les personnes, malades ou non, qui font appel au corps médical ou paramédical. Et les malades sont ceux qui ne sont pas en bonne santé, et qui font appel aux acteurs de santé - ou qui s'en passent.

Mais, parmi les patients et - ou - les malades, existe-t-il une hiérarchie de la souffrance ? Une sorte de classement qui ferait qu'un tel groupe soit plus à plaindre et ou à admirer qu'un autre !? Admirer pour le danger encouru ? La stoïcité dans la douleur ? Le courage de relever la tête. L'imminence et la gravité du danger encouru ?

Il existe beaucoup d'associations de malade, au moins autant que de types de maladies. Et c'est bien normal, car tout un chacun aime se retrouver « près de proches ». Et comment ne pas se sentir très proche d'une autre personne qui vit la même expérience douloureuse que la vôtre !?

Si une personne se retrouve en danger de mort, en vertu de problèmes cardio-vasculaires, et une autre en raison d'un cancer du pancréas, leur restera-t-il à toutes deux assez d'empathie pour pouvoir encore compatir aux problèmes de l'autre !? Et comment reprocher à des gens tellement atteints dans leur chair, et dans leur moral, de ne plus avoir la faculté pour sentir que « l'autre » est tout autant à plaindre que soi-même !?

Ce sont là des évidences, en-même temps qu'une explication simple permettant de comprendre la pertinence d'associations multiples de malades. Toutefois, en tout, l'excès nuit. Il peut favoriser un certain fanatisme. Une propension à aimer se voir « seule victime »... une propension à négliger d'autres cas, pourtant très proches du vôtre, par la souffrance engendrée, et le danger encouru !

Personnellement, j'aurais rêvé de pouvoir fonder, juste, « l'association pour ne pas tomber malade»... tout un programme... Les recettes, certes, ne manquent pas - depuis les brochures pour maintenir ses articulations en bonne forme, s'alimenter avec le max d'oméga qui convient, bouger, comme-ci, ou comme-ça, un certain temps dans la journée, un certain nombre de fois dans la semaine, manger plutôt du poisson et des légumes que de la viande traditionnelle avec des pizzas ou hamburgers (pour savoir quels poissons sont moins pollués que tels autres, et comment se procurer des légumes frais non arrosés de pesticides, il convient toutefois d'entreprendre de plus amples recherches sur internet). Mais : « ceci est une autre histoire ».

A défaut, une enquête approfondie sur l'huile de palme pourrait permettre aussi de savoir si les grands groupes actuels, faisant leur publicité sur une page complète de magazine, sont en droit ou non de prétendre qu'elle ne contient point de graisses hydrogénées nocives - en n'omettant pas de préciser, non plus, si c'est après ou avant transformation...

Bon ! Je ne suis pas encore présidente de « l'association des rétifs à la maladie ». Juste d'une petite assoc dénommée « Cancer-Espoir », parce que les circonstances ont fait qu'un jour, l'on me découvre un cancer, dont j'ai eu la chance, d'ailleurs, qu'il me laissât tranquille, après ablation...

Quel cancer !? On va dire : « un certain cancer ». Parce que, s'il y a une hiérarchie dans le danger que représentent, ou non, certains types de cancers par rapport à certains autres, à partir du moment où une personne se sent physiquement diminuée, d'une façon irréversible, et ou si elle se trouve en danger de mort, il n'y a plus de hiérarchie qui tienne ! La souffrance et l'angoisse, l'amertume, sont toujours du même degré. Encore que, lorsqu'il vous est permis d'exprimer une certaine souffrance, ou revendication, en public, cela peut avoir un effet très positif. L'empathie de tous, autour de vous, c'est énorme, pour se consoler...

Dans les journaux et d'autres médias, nous entendons surtout parler, depuis quelques années, d'un certain type de cancer... le cancer du sein ! Les femmes ont très peur de ce danger qui non seulement menace leur vie, mais aussi leur féminité, leur identité, dans ce qu'elle a de plus intime! Il s'agit d'un type de cancer de plus en plus fréquent, contre lequel les pouvoirs publics essayent de lutter, d'abord, par une campagne de prévention.

La meilleure prévention serait d'abord, évidemment, d'interdire toute alimentation contenant hormones en tous genres, et d'inciter les femmes à avoir des enfants, et de les avoir à 20 ans, au lieu de 35 ans. Mais qui admettra que la nature nous impose un prix à payer, et un prix très cher, pour ce nouveau confort !? (Toute vérité n'est pas bonne à dire... pour paraphraser nos aïeux, si pleins de bon sens à défaut de maîtriser « La Science » !)

C'est une question de statistiques, et les statistiques bien faites ne mentent pas. Elles ne mentent pas non plus pour les fumeurs, même si, par accident, un fumeur-buveur peut vivre jusqu'à 95 ans en (relative) bonne santé et être le symbole prétexte autorisant tous les abus...!

Là où je ne suis pas du tout d'accord, c'est qu'une catégorie de malades soit systématiquement propulsée au 1er plan de l'actualité, et de ce fait passe pour victime-héroïne prioritaire. Il en est ainsi, actuellement, du cancer du sein, lequel, j'oserais dire « par un effet de mode », avec de jolis chandails roses, occulte, avec un dynamisme tout-à-fait sympa, toutes les autres souffrances de l'univers. Je trouve cela injuste, et de ce fait irritant !

Les mamans contemplant désespérément leur enfant, leucémique, sous chimio, et chauve, oubliées dans un petit coin - ont ainsi une double peine. Les nombreux hommes, opérés de la prostate, impuissants, avec des problèmes urinaires de surcroît, dans d'assez nombreux cas, et qui ne s'en plaindront jamais, parce que ce n'est pas très valorisant, ont ainsi une double peine. Et ils n'auront jamais, eux, l'idée (incongrue !?) de lancer une marche, avec des chandails bleu-ciel. Pourquoi c'est peu concevable ? Parce que, comme me l'a dit un sexologue l'autre jour : « une femme, avec un sein en moins, c'est encore une femme, qui peut inspirer du désir, se prêter à l'acte, comme on dit. Elle a raison de se décomplexer de cette mutilation. Et d'essayer d'oublier sa souffrance morale par tous les moyens. Chez l'homme, la souffrance et la honte, liée à la perte de sa virilité, sont inscrit dans ses chromosomes depuis les siècles des siècles.

L'homme ainsi marqué dans sa chair et dans son orgueil, a, au sens figuré, en-même temps, perdu ses cordes vocales pour s'en plaindre !

Et que dire de l'époux de cette femme, atteinte, à 60 ans, d'un cancer du pancréas, et qui sait que, forcément, les jours de son épouse chérie sont comptés. Il souffre dans l'ombre, en silence, et il souffre, lui aussi, doublement, car il sait que sa souffrance compte peu, aux yeux du public. Car elle n'est pas visible, sur la place publique. « Loin des yeux, loin du coeur », adage qui sera toujours vrai !

Lui, il aura juste droit, pour sa compagne tant chérie, à un petit faire-part dans la rubrique mortuaire, au jour J. S'il a perdu ses amis, gênés de venir contempler la souffrance double de ces chairs et cœurs meurtris, il se rendra à l'église, le jour de l'enterrement, en petit comité, en baissant la tête. Les larmes coulant de ses yeux ne seront pas photographiées, et les plaies de son cœur devront cicatriser toutes seules et sans pansement.

Son chemin de croix, à lui, sera celui des oubliés. Oublié aussi des médias, qui n'auront aucune photo spectaculaire à présenter à leurs lecteurs-auditeurs, en ce qui le concerne.

Oui, ceci est un plaidoyer. Pour tous les gens de l'ombre. Les oubliés. Les victimes anonymes. Les silencieux.

Peut-être mon plaidoyer portera-t-il quelques fruits ? Un peu maigrichons, point nourris de bons nitrates sur paillis. Mais avec une certaine saveur d'authencité. Et imprégné d'un certain courage. Celui de ceux qui disent tout haut ce que d'autres pensent, tout bas...

J'aimerais que ce plaidoyer ne soit pas vu au travers du miroir déformant des passions attisées. Personnellement, je me sens très féministe. J'ai vécu à une époque où le macho était à l'honneur : la femme derrière le fourneau, et l'homme au boulot ! Le vrai boulot, c'était celui de l'homme ! La femme, dans l'ombre se devait de travailler sans gloire, avec juste l'idée de son conjoint généreux, dont elle recevait l'argent. Je comprends tout à fait le désir légitime des femmes d'être - enfin - elles aussi - un peu - au tableau d'honneur.

Mais il ne faut pas occulter, en restant trop dans la lumière, tous ceux, malheureux, amoindris par la maladie et souvent par l'âge, qui restent ainsi dans l'ombre. Ce n'est pas juste. Ce long cortège de gens qui souffrent en silence, discrets, modestes, ce cortège résigné à rester confiné dans son statut de victime obscure et muette. Pendant que le reste du monde, si enclin à se laisser éblouir par la lumière, les étincelles et les paillettes, continue à vivre, joyeux. Paillettes aux mille couleurs... on pourrait presque dire : « aux mille nuances de rose ».

La Présidente-Fondatrice de Cancer-Espoir : Simone SCHLITTER

Publié : 03 août 2014, 12:47
par Bubu
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EDITO 07/14

L'os gros comme un fémur de dinosaure

Ce matin, à l'EHPAD, je constatais le départ de notre joyeux Pierre - afin de se rapprocher de ses enfants - et la présence, nouvelle, de deux « cas » difficiles, un monsieur, habituellement renfrogné, et toujours immobile, à une table, et une dame que parfois j'entendais crier, tant elle était perturbée. Le monsieur nous avait été amené par une infirmière, et la dame était venue toute seule, témoignant d'une force quasi-herculéenne, en se poussant en avant, dans sa chaise roulante, à l'aide des mains et des pieds, l'un de ses freins étant resté bloqué sans qu'elle ne s'en aperçoive !

J'allais en faire quoi, de ces deux-là !? Des observateurs extérieurs, les observant dans différents moments de leur journée si souvent triste, auraient peut-être bien été tentés de penser : « Que font-ils donc dans la vie, ces gens-là !? Une main secourable serait-elle si criminelle que d'abréger, si l'occasion s'en présentait, à la faveur d'une dégradation manifeste de leur santé, deux vies aussi misérables que celles-là !? ».

Et combien de gens, dans la force de l'âge, en les contemplant, ne sont-ils pas tentés de penser fièrement : « Si moi je devenais comme ça, ah que j'aimerais que le bon Dieu - ou le destin - ou une main secourable, abrège mes jours...! Oui, je vais écrire un billet pour le cas où... dans mon porte-feuille, placé près de mon cœur... Voilà : « Je ne veux pas, si je suis placé dans une situation de dégradation physique irréversible, que l'on prolonge artificiellement mes jours ! Je souhaite alors qu'on en finisse, et qu'on me laisse mourir dans la dignité » ! ».

Tout semble limpide, clair, net et simple ! On a quand même le droit d'exprimer ce vœu, si compréhensible, et ceux qui en tiendraient compte par la suite ne feraient qu'agir avec le respect requis vis à vis du dernier vœu d'un mourant.

Mais dans cette histoire, il y a un os... gros comme un fémur de dinosaure : le vœu exprimé n'est pas celui d'un quasi-mourant, c'est celui d'une personne bien portante, dans la force de l'âge, qui est à cent lieues de se douter que dans 20, 30 ou 40 ans, son corps aura changé, en-même temps que ses goûts, ses points de vue, ses désirs, et sa philosophie... et le sentiment qu'elle peut avoir de sa dignité.

Axel Kahn, dans l'un de ses écrits, exprimait d'ailleurs une certaine indignation en face de l'idée qu'il y avait des morts dignes et des morts indignes. Perso, j'ai le sentiment que : « la dignité ne se place pas dans la propreté des fesses, mais dans la propreté de l'âme ».

Tout dernièrement, je viens de réévoquer une histoire horrible, contée par une collègue, à l'époque désespérée : son époux, atteint de la maladie de Charcot, se trouvait condamné à une paralysie progressive, rapide, laquelle, sous deux ans, allait obliger le corps médical à le placer sous respirateur artificiel, à moins que le malade ne prépare, par écrit, d'avance, ses désidératas. Et ma collègue, très émue, et un peu fière, m'avait confié : « Il a demandé qu'on ne le branche pas ! ».

Ensuite, les capacités de mouvement s'étaient très vite dégradées. Heureusement, les collègues avaient fabriqué un clavier d'ordinateur sur lequel, avec juste le seul doigt qui restait mobile, le malade pouvait écrire, en langue morse, et l'ordinateur traduisait. Très angoissé, il n'arrêtait pas d'écrire. Et un certain jour, il écrivit sur l'écran : « Je veux que le moment venu, on me branche sur le respirateur »...*

Ce changement d'avis, à mes yeux, n'a strictement rien d'étonnant. Mais tous ces gens, fiers et dignes, qui placent ce genre de billets dans leur porte-feuille, ont-ils un instant pensé que le monsieur atteint de cette terrible maladie de Charcot n'aurait jamais pu exprimer son immense angoisse, et son immense désir de vivre à tout prix, s'il n'avait pas disposé de cette ordinateur miracle !?

Cette histoire est authentique, je n'invente rien. Je puis donner des noms !

Vous voyez, là se situe l'os gros comme un dinosaure : votre propre condamnation à mort, placée, bien en évidence, sur votre table de chevet de quasi-mourant, alors qu'à présent vous voulez vivre, à n'importe quel prix, mais que ni vos lèvres, ni votre voix, ni vos yeux, ne pourront plus jamais l'exprimer !

Pourquoi ces réflexions perturbantes ? Suite à des évènements actuels parlant d'euthanasie, de procès, de gestes libérateurs ou au contraire de gestes assassins !?

Oui, cela vient de m'influencer, certes.

Mais je reste surtout imprégnée de la présence de ces deux personnes, ce matin, à l'Ehpad. J'avais réussi à les faire sourire, tout le temps de l'animation ! La dame chantonnait avec nous. Le monsieur était aux anges, il bougeait ses mains, ses pieds... je crois que le nec plus ultra, pour eux, c'était, d'abord, de se sentir intégrés dans le groupe. Ils étaient redevenus des gens normaux, considérés comme capables. Un sourire accentué flottait sur leurs lèvres ! Ils n'avaient pas envie de mourir ! Ils aimaient la vie ! En fin de séance, je reconduisis la dame, elle me fit signe qu'elle voulait un baiser, et je le lui donnais. J'allais faire une petite caresse, aussi, au monsieur, lequel, à sa table, au lieu d'être triste, souriait et me serra la main, à ne plus la lâcher...

C'est si facile de donner du plaisir aux gens, et l'envie de vivre est si communicative ! Mon mari resta paralysé longtemps, jusqu'à sa mort. Sans pouvoir bouger un seul de ses doigts, et même pas ses paupières. Pourtant je savais qu'il voulait vivre, et qu'il était heureux en ma présence, qu'il entendait chacune de mes paroles, et sentait chacune de mes caresses. Simplement, je le voyais. Comme vous voyez quand votre chien est heureux et confiant, même quand il est immobile. Il y a un courant qui passe entre deux êtres qui s'aiment. Il n'y a pas besoin de paroles ou de gestes. Et si j'avais été aveugle, je l'aurais entendu... à sa respiration apaisée...

Il y a 30 ou 40 ans, j'aurais été incapable de ce genre de raisonnement. Et incapable de supporter de passer quelques jours dans une EHPAD. Car je n'aurais pas eu de solution à proposer. Mais depuis que je sais lire les besoins des gens sur les visages figés, et que je sais que je peux les aider, et que tout le monde peut aider tout le monde, à condition de le vouloir, eh bien, je suis « anti-euthanasie ».

Je le dis comme je le pense. Mais je n'en veux pas à ceux qui sont « pour ».

« Pour », en leur âme et conscience.

Je pense juste que la vie ne leur a pas donné l'occasion de suivre le même parcours que moi.

* le monsieur atteint de la maladie de Charcot mourut, paisible, suite à un fatiguant aller-retour à Paris, au cours duquel les sommités médicales consultées lui avaient assuré : « qu'il n'était pas près, encore, d'avoir atteint le « stade ultime »...

La Présidente-Fondatrice de Cancer-Espoir : Simone SCHLITTER

Publié : 31 août 2014, 19:41
par Bubu
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EDITO 08/14

Bienfaiteur ou ami ?

A votre avis, c'est quoi, l'amitié ? Pourriez-vous être l'ami de quelqu'un dont vous vous sentiriez constamment l'obligé !?

Définir l'amitié me paraît aussi difficile que de définir l'intelligence, ou la beauté. Ou la liberté. Ces mots recouvrent des concepts plus ou moins simplistes ou complexes, selon le degré de possibilités d'analyse de la personne qui va être amenée à les interpréter.

L'amitié, comme l'amour, signifie à la fois un sentiment ET le lien entre plusieurs personnes unies précisément par ce sentiment.

Et tout comme l'amour va, selon le cas, être considéré avec un grand A, sublime, plein d'abnégation, ou, au contraire, représenter surtout une manifestation de l'ego, l'amitié, elle aussi, aura tendance à être considérée comme désintéressée, ou au contraire être plutôt un alibi pour justement : « de petits arrangements entre amis ».

Amis de 20 ans, de trente ans... depuis Mitterrand, cela fait un peu sourire.

Mais redevenons sérieux. La « vraie » amitié existe-t-elle !? Je pense que la réponse la plus pertinente est celle-ci : dès l'instant où vous parlez de « vraie » amitié, c'est que dans votre esprit, l'amitié est un état idéal - et dès lors, il faut bien admettre que cet état n'existera jamais, puisque « l'idéal ne peut exister » !

Mais poussons le sérieux encore plus loin : l'amitié est nécessaire à l'homme. Tout comme l'amour. L'homme est un animal social. Sans autres hommes, pas de vie possible. Et par ailleurs, pour que la vie continue, l'homme (le mâle), a besoin de la femme (la femelle). Dès lors, tout est dit, c'est le besoin qui fait le concept.

Dans l'amitié autant que dans l'amour, l'échange est indispensable. Si l'homme n'était pas un animal social, il n'y aurait pas d'échange, et l'amitié serait un mot incompréhensible. Que l'échange soit un simple échange matériel, ou de bons procédés, ou de passe-droits, de bons mots, de claques sur l'épaule, ou d'entraide en général, l'échange doit exister pour que l'amitié existe.

Alors, peut-on être l'ami de quelqu'un dont on reste l'obligé ? Une nation pauvre peut-elle être l'amie d'une nation riche ? Non. La nation riche sera la bienfaitrice. La nation pauvre la profiteuse. A quelque part, la politique y trouvera son compte, mais la nation pauvre sera frustrée et humiliée par cet état de chose, et cela engendrera des sentiments de rancune. Prenons l'exemple de jeunes gens dont les uns, plus riches, paieraient le plus souvent l'addition aux plus pauvres. Les pauvres seront-ils reconnaissants !? Pas du tout. Ils seront humiliés ! Cela se traduira par toutes sortes d'actions ou de paroles à but de moqueries de la part des plus pauvres, ou alors ceux-ci auront l'âme de courtisans et effectueront des courbettes devant leurs « amis » plus riches. L'amitié est exclue de ce genre de relations.

Qu'un bienfaiteur se dise toujours que son rôle est délicat. S'il veut simplement briller, certes, il n'a pas de scrupules à avoir à accomplir ses bienfaits. Dans tous les cas, ceux qui en accepteront le principe, et sans lui en être jamais reconnaissants, n'auront aucun scrupules à l'en remercier un millier de fois.

Il existe beaucoup plus de gens qu'on ne pourrait le croire qui, simplement par dignité, ne peuvent accepter de ne pas rendre, d'une façon ou d'une autre, le bien qu'on leur aura fait. Et le bienfaiteur, s'il ne sait pas se mettre au niveau de son obligé, s'il ne sait pas masquer suffisamment cette position de privilégié - car c'est un privilège de pouvoir aider les autres - eh bien ma fois, il se verra moqué, d'une façon ou d'une autre. Et il se verra puni de trop montrer qu'il est un bienfaiteur plutôt qu'un ami.

Sauf par ceux, évidemment - et ils existent probablement - qui, viscéralement, aiment profiter.

Personnellement, dans un certain sens, moi aussi, je suis une bienfaitrice. Je m'occupe, à titre bénévole, d'un tas de gens, en fauteuil roulant, aidés de béquilles, plus ou moins esseulés, oubliés parfois « dans un petit coin ». Je commence d'abord par les appeler par leur prénom. Puis je les embrasse. Sur les deux joues. C'est très important. Et je leur montre que je les aime. Et que je m'amuse avec eux autant qu'ils s'amusent avec moi. Et même les malvoyants voient bien que c'est vrai, et alors ils m'acceptent. De tout leur cœur. Pas parce que je suis une bienfaitrice. Mais parce qu'ils sentent que je suis d'abord leur amie.

Si je ne l'étais pas, mes bienfaits ne seraient plus tout à fait ce qu'ils sont. Ils sonneraient un peu le creux.

L'autre fois, j'ai fait « un cadeau » à un bienfaiteur. J'ai un peu triché. Car on ne doit pas faire de cadeau à un bienfaiteur. Sinon on le destitue de son titre.

En fait, je n'ai jamais regretté de l'avoir fait. Mais peut-être que vous, à ma place, vous l'auriez fait aussi... Qui sait...

La Présidente-Fondatrice de Cancer-Espoir : Simone SCHLITTER