Le Républicain Lorrain du 24/10/2016 - Photo
archives RL/Philippe NEU
Octobre rose - Cancer du sein : pourquoi une telle augmentation
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Le nombre de cancers du sein a plus que doublé en trente ans. Les raisons de cette explosion sont multiples : vieillissement de la population, surdiagnostic, pilule, alimentation, alcool et cigarette, facteurs auxquels s’ajoutent la pollution chimique et l’hérédité. Le point sur les dernières études en France, chiffres à l’appui.
Le Républicain Lorrain du 24/10/2016 - Par
Sylvie MONTARON
Octobre rose - Cancer du sein : les raisons de l’explosion
L’incidence du cancer du sein a été multipliée par 1,5 en 30 ans en raison notamment de facteurs comportementaux et hormonaux. DR
Entre 1980 et 2012, le nombre de cancers du sein a doublé : de 21 387 à 48 763 cas. Plusieurs facteurs expliquent cette hausse.
Vieillissement et surdiagnostic
Le taux d’incidence du cancer été multiplié par 1,5 mais tend à se stabiliser. Comme pour d’autres cancers, le vieillissement de la population explique une partie de cette augmentation. Tout comme, depuis 2004, le dépistage organisé, qui cohabite avec le dépistage individuel.
La génétique minoritaire
Entre 5 et 10 % des cancers du sein sont héréditaires. Selon une étude sur des jumeaux dans le nord de l’Europe, la part imputable aux facteurs génétiques est de l’ordre de 25 % et celle liée aux facteurs reproductifs et « environnementaux » au sens large (comportements, exposition à des agents chimiques…) de 75 %. Les études chez les migrantes confirment le poids des facteurs « environnementaux » : en quelques années, leur taux d’incidence s’aligne sur celui du pays d’accueil.
Hormones : plus c’est long, moins c’est bon
Parce qu’elles favorisent la division cellulaire, les hormones ovariennes sont impliquées dans le cancer du sein. Ainsi, plus le nombre de cycles ovariens est grand au cours de la vie, plus le risque est élevé. Entre 5 à 10 % des cancers sont associés à une puberté précoce ou à une ménopause tardive et 5 % à un âge tardif de la première grossesse. La baisse de l’âge de la puberté, du nombre d’enfants et le recul de l’âge de la première grossesse peuvent donc expliquer une partie de la hausse des cancers du sein.
La pilule combinée prise avant l’âge de 20 ans et pendant une longue durée augmente légèrement le risque mais il disparaît 10 ans après l’arrêt de la pilule. Le traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause - très limité depuis 2005 - serait, lui, responsable d’une hausse de 15 % des cancers. Enfin, le Distilbène prescrit à des femmes enceintes dans les années 50-60 a augmenté le risque de cancer chez ces femmes, leurs filles et petites-filles.
Le poids des facteurs comportementaux
Avant la ménopause, 6 cancers du sein du 10 sont attribuables à des facteurs non-comportementaux et 4 sur 10 aux comportements/modes de vie mais « à aucun facteur de comportement pris isolément ». Tandis qu’après la ménopause, « plus de la moitié des cancers (53,5 %) auraient pu être évités avec un comportement adapté », selon une étude menée sur la cohorte française E3N (1), publiée en février. Parmi ces facteurs figurent l’alimentation déséquilibrée (10,1 %), la consommation d’alcool au-delà d’un verre/jour (5,6 %), le surpoids à l’âge adulte (5,1 %) et le sous-poids à la puberté (17,1 %) ainsi que la sédentarité. Concernant la malbouffe, une association a été montrée avec les graisses hydrogénées des aliments industriels alors qu’il n’y a pas d’association significative avec les acides gras d’origine naturelle (lait, beurre).
Fumer multiplie le risque par 1,2 à 1,5 et, fumer beaucoup avant la première grossesse pèse lourd dans la balance. Le tabagisme passif augmente le risque surtout en préménopause.
Des métiers à risques
Le travail de nuit a été classé cancérogène probable par le Centre international de recherche contre le cancer. En cause : la perturbation de la sécrétion de mélatonine, hormone associée à une diminution de l’incidence et de la taille des tumeurs mammaires. Cela pourrait expliquer l’excès de cancer du sein observé chez les infirmières et les hôtesses de l’air. La manipulation de certains solvants, PCB, pesticides ou hydrocarbures (les HAP) peut augmenter le risque chez les femmes travaillant dans le textile, l’esthétique, l’imprimerie, l’habillement, les pressings, l’industrie agroalimentaire ou mécanique. Le risque accru observé chez les avocates, cadres et journalistes est davantage lié, selon l’étude CECILE (2011), au parcours avec notamment une première grossesse tardive après de longues études mais pose aussi la question du rôle du stress.
Et l’environnement ?
Dans « Cancer du sein : en finir avec l’épidémie » (2), le toxicologue André Cicolella estime que la pollution chimique est « un facteur déterminant » dans l’augmentation des risques, en particulier les perturbateurs endocriniens (PE) qui imitent ou interfèrent avec les œstrogènes naturels. Si plus de 200 composés chimiques sont identifiés comme cancérogènes mammaires chez l’animal comme le Bisphénol A (chez la rate et le primate) ou les sels d’aluminium (chez la rate), la preuve chez la femme n’est toujours pas établie.
Mais dans ce contexte, certaines données sur notre contamination par les perturbateurs endocriniens sont préoccupantes : ainsi, en 2007, 15 % des femmes françaises en âge de procréer avaient dans leurs tissus graisseux une concentration en PCB supérieure au seuil critique. Le BPA pourrait en outre être associé à la densité mammaire, elle-même facteur de risque du cancer.
Pour le président du Réseau Environnement santé, il ne faut donc pas attendre d’avoir des preuves épidémiologiques pour agir et limiter les expositions à ces substances notamment dans les dispositifs médicaux utilisés chez les parturientes et les nouveaux-nés.
(1) Cette cohorte de 100 000 femmes de L’Éducation nationale, nées entre 1925 et 1950 est suivie depuis 1990 pour identifier les facteurs de risque de cancers.
(2) Publié chez Les Petits Matins, 10 €
Sylvie MONTARON
Le Républicain Lorrain du 24/10/2016
Comme dans d’autres problématiques sanitaires, les femmes veulent disposer d’informations
Comme dans d’autres problématiques sanitaires, les femmes veulent disposer d’informations sur les risques et bénéfices afin de décider si oui ou non elles participent au dépistage organisé du cancer du sein. C’est un des enseignements du rapport du Comité d’orientation sur ce dépistage, remis en septembre à la ministre de la Santé. Ce rapport dresse un bilan sévère du dépistage organisé : dysfonctionnements dans l’organisation, inégalités d’accès, incompréhension des enjeux, absence d’information sur les risques et incertitudes dans la lettre d’invitation envoyée tous les deux ans, absence des médecins traitants dans le parcours, marketing du mois de promotion Octobre Rose « trompeur et outrancier »…
À la suite de ce rapport, Marisol Touraine promet aujourd’hui « un parcours plus personnalisé, fondé sur une meilleure information des femmes, mieux coordonné et impliquant davantage le médecin traitant ». Mais les responsables de 4 structures - UFC Que Choisir, le groupe Princeps, le Collectif Cancer Rose et la revue Prescrire - viennent d’écrire à la ministre pour lui demander de ne pas oublier d’autres propositions du rapport comme la poursuite « des recherches scientifiques pour essayer de lever les incertitudes ». Cancer Rose souligne notamment que le dépistage organisé ne parvient pas à détecter les cancers les plus agressifs, appelés « cancers de l’intervalle » alors qu’il détecte des petits cancers d’évolution lente qui « auraient régressé sans traitement ».