Sur la scène du théâtre municipal, transformé depuis le 26 février en centre de vaccination, ils ne font pas de la figuration. Rouages essentiels de la campagne vaccinale, ces professionnels de santé ont abandonné leur douce retraite pour combattre sur la ligne de front du coronavirus.
On pourrait peut-être s’isoler. Le bruit, là, est assourdissant. » Sac à dos, jean décontracté et regard espiègle donnent à Guillaume Pfeiffer des petits airs d’étudiant. Qu’il n’est pas, ou plus, depuis longtemps. Cet infirmier ne fait pas ses 66 ans, mais il les a bien. Cet infirmier est à la retraite depuis octobre 2018, mais il officie pourtant au centre de vaccination municipal depuis son ouverture, le 26 février dernier. Guillaume cultive les paradoxes.
C’est l’une des « petites mains » les plus précieuses du dispositif : chaque matin, avant l’arrivée des autres professionnels de santé, son rôle consiste à réceptionner et à conditionner les premières doses de vaccin. Le Thionvillois en a conscience : à l’échelle planétaire, il manie le bien le plus précieux du moment. « L’acte est délicat. Il demande une rigueur et une attention sur une durée de cinq heures ; on va chercher les dernières gouttes de vaccin sur les parois du flacon. » Pourquoi s’infliger un tel stress ? La réponse fuse, scandée tel un slogan : « Soignant un jour, soignant toujours ! »
« Embrasser mon petit-fils »
Après plus de quatre décennies d’actes médicaux, Elisabeth Cabirol a rendu sa blouse blanche d’infirmière hospitalière et de laboratoire en 2019. Avant de reprendre spontanément, elle aussi, du service.
« Je me suis inscrite sur la plateforme de l’ARS. Lorsque le centre s’est ouvert dans ma ville, mon incorporation s’est faite naturellement. Toutes mes activités de retraitée sont en sommeil, j’ai donc du temps à donner aux autres. » Donner, un verbe qu’elle conjugue par tous les temps, même de Covid.
Lors du premier confinement, Elisabeth a pris soin « de deux mamies isolées » logées dans son immeuble : « Elles avaient peur du virus. Je leur ai apporté une aide matérielle et hygiénique. » Au théâtre municipal, elle pique son prochain, chaque jour, en quête d’un monde meilleur : « Ce qui m’amène ici ? La volonté de revivre et, surtout, de pouvoir enfin embrasser mon petit-fils sans me poser de questions. »
« Une campagne cruciale »
« Vous plaisantez, c’est comme le vélo ! » C’est comme si Violette Rampazzo, 67 ans, n’avait jamais arrêté d’exercer. Pourtant, cela fait bien douze ans que l’ancienne infirmière aux Urgences de Bel-Air hume l’air apaisé de la retraite. « Vacciner, ce n’est pas compliqué. C’est une simple injection intramusculaire, contrairement à la grippe qui est sous cutanée. »
La difficulté tient davantage à la répétition de l’opération : « Près d’une cinquantaine de piqûres par demi-journée, estime-t-elle. Le rythme est soutenu mais en retour, on tire beaucoup de plaisir à échanger avec les personnes vaccinées […] Je n’ai pas hésité à me porter candidate : cette campagne de vaccination est cruciale, c’est une démarche de santé publique. »
« En finir avec ce virus »
Ce visage est familier pour les vaccinés du jour. L’accent, délicieusement slave, aussi. Le docteur Ewa Wasilewicz est une figure de la ville. Elle a donné sa vie à la médecine généraliste avant de bifurquer vers la médecine du travail. À l’âge de 80 ans, la praticienne, coquette, s’est justement remise au… travail. Assise sous l’une des quatre tentes dévolues aux médecins, elle accueille les futurs vaccinés, vérifie leurs antécédents médicaux et surtout… rassure : « Sur le plan médical, cette population de vaccinés ne pose aucun problème : ce sont tous des retraités dont le suivi est parfaitement assuré. Mon rôle consiste surtout à lever les dernières craintes avant l’injection. »
Ewa conclut en dévoilant les raisons de cette mise en sommeil de sa retraite active : « En finir avec ce virus qui nous appauvrit tous sur le plan intellectuel, culturel et sentimental. »
Par
Jean-Michel CAVALLI
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