EDITO 12/13
La lettre - dont l'essentiel figure ci-dessous, vient d'être adressée au RL : "A propos de votre nouveau magazine, Génération +"
Monsieur,
Voici mes remarques concernant votre nouveau magazine des seniors, Génération +
Pour le principe de citations de catégories d'âge :
Je fais moi-même partie de cette tranche d'âge à présent baptisée gentiment et pudiquement « seniors » pour éviter de parler du 3ème ou même 4ème âge. Mais vous en parlez d'ailleurs sans vergogne à la p.3, en citant les différentes tranches de cette génération « plus » ! Ainsi je ne sais quel technocrate a décidé qu'à partir de 45 ans, on avait allégrement franchi le pas - que de 55 à 70 ans, on faisait partie « des actifs » du 3ème âge - sous-entendu - et même clairement entendu : à partir de 70 ans, vous n'êtes plus bons à grand chose...
Faute de pouvoir revenir « au bon vieux temps », où, toutes générations confondues, on ne distinguait pas les vieux d'un côté, et les jeunes de l'autre, il semble préconisé, à présent, de « s'occuper des seniors », dont le vieillissement général, lié à l'accroissement de la durée de vie, pose souvent problème.
Il reste irritant de se sentir placé dans une catégorie... si encore il s'agissait de celle des « jeunes », ce serait certes plus plaisant. On disposerait de toute une longue vie devant nous... (mais sait-on jamais... ?)
On dit « le 1er âge », et on dit encore couramment « le 3ème âge... voire même le 4ème... ». Où sont passés ceux « du 2ème âge !? » Eh bien, ceux-là se placent, d'emblée, hors catégorie - il s'agit de l'immense cohorte des décideurs et soigneurs, qui ont décidé qu'il existait un 1er âge... et un 3ème...voire un 4ème - mais point de 2ème !
Ce sont ces gens-là (2ème âge) qui donnent les conseils - car ceux des vrais aînés, on ne les écoute plus guère... (trop de tendances à rabâcher, pour ne pas dire radoter !!)
Et voilà que l'idée vous effleure (depuis un moment...) que dans le ton que j'utilise flotte comme un petit air de révolte... euh... pourquoi pas !? Puisque l'une des caractéristiques de la jeunesse est de se révolter, révoltons-nous, Folleville ! Cela par la même occasion nous rajeunira !
Une dame de 80 ans se fait-elle renverser au milieu d'un passage clouté, son oraison funèbre, dans les colonnes du journal, sera le suivant : « une octogénaire s'est fait renverser... ». Un monsieur de 30 ans se faisant renverser au même endroit aura droit à l'oraison suivante : « un père de famille » ou « un célibataire ». Un monsieur de 20 ans organise-t-il un cambriolage, on dira : « un jeune, etc. ». Si le cambriolage est organisé par un trentenaire, on aura plutôt tendance à dire « un voyou » - mais si le même cambriolage est organisé par un septuagénaire, il aura droit exceptionnellement au titre aimable de « papy », car sa prouesse, vu son grand âge, sera considérée comme exceptionnelle, et il bénéficiera du même ton indulgent que l'on utilise avec les enfants.
Le magazine Génération +
Mais j'en arrive à votre magazine, distribué gratuitement au même titre que certains autres, en papier glacé ceux-là. Ce que vais vous reprocher en 1er semble frivole... et pourtant ! Le magazine le dit bien : le sens du toucher, du tact, il a sa grande importance, pour nous ! Quand je touche ce papier rêche, terne, je me dis, en douce : « c'était juste bon pour toi, ma vieille » ! Pour les vieux, les économies, la juste mesure et pas de dépenses inconsidérées - à part les voyages, les cures, et élévateurs d'escaliers. Pour les plus jeunes : le luxe, le beau papier, le maquillage, les cheveux méchés.
C'est un magazine que je trouve... triste !! En dépit des constants sourires, presque grimaçants, tant ils paraissent voulus, des personnages photographiés ! Rien ne m'accable davantage que de considérer le fameux couple - inséparable depuis de longues années, qui figure dans la publicité des assurances-vie, des banquiers, et des pompes funèbres, et sur la 1ère page du 1er numéro de votre magazine ! D'ailleurs (et cela ne s'invente pas), jetant ce soir un œil distrait sur cette première page, laissée sur mon bureau pour penser tantôt à vous écrire, j'ai cru tout d'abord, à la place du signe plus, voir une croix rouge, dans la pénombre. Quelques secondes plus tard, seulement, je réalisai : il s'agissait d'une croix bleue, qui signifiait « plus ». Et une croix rouge sur cette première page, oui, pourquoi pas, tout à fait dans le ton d'un journal triste aux couleurs pâles, aux vêtements blancs, et au papier rêche... la sécurité sociale aurait fait mieux ! Même le plongeur grimaçant ne déride personne. On sent le ghetto. Le seul jeune homme qui figure sur la une est trop seul, parmi tous ces « vieux ». Il met juste l'accent sur la solitude.
Quant à « l'humanitude » (p 11), Kékcékça !?
Moi, je croyais connaître l'humanité - l'humanisme aussi - mais « l'humanitude », mot nouveau, inventé par les nouveaux « préconiseurs », doit probablement mieux rimer avec « plénitude ». Le sens de l'humain, ainsi baptisé, recadré, enseigné, et tout nouvellement dogmatisé, doit probablement remplacer la simple humanité, laquelle, souvent, fait cruellement défaut... ! Il est certain - de plus et par ailleurs - que si les élèves aides-soignantes et infirmières apprennent à se répéter « toctoc » avant d'entrer dans une chambre, elles risqueront davantage de ne plus l'oublier... Dommage que les leçons de civisme, à l'école, soient démodées, sinon peut-être la nouvelle génération saurait-elle qu'il convient toujours de frapper avant d'entrer dans une chambre censée être le domicile d'une personne adulte. Il est certain que de se répéter « toctoc » est plus plaisant, et par les temps qui courent, c'est un moyen mnémotechnique au même titre que beaucoup d'autres.
Ne pensez pas que dans mon élan, j'oublie de dire ce que je trouve « bien ». J'y arriverai. Mais beaucoup de travail reste à faire !
Les caractères choisis pour l'écriture sont - ou bien trop petits - ou trop pâles - on sent l'économie du budget « encre » ou - ce qui revient au même - l'économie sur le papier et le prix du transport au poids. Certains textes, rares, sont en gras. Mais il s'agit surtout de publicité. Pourtant, la 1ère chose qui doit venir à l'esprit des gens qui en ont : les séniors sont, la plupart, mal-voyants - et souvent même avec lunettes ! Avez-vous eu l'idée de faire lire à des personnes du « 4ème âge » vos projets de page, avant que de les faire imprimer !? C'est à de tels détails que l'on voit que nous avons à faire, essentiellement, à des théoriciens, bien plus qu'à des praticiens !
P 14 : en dehors du titre et sous titre : les 4 lignes de texte au-dessus de la photo sont ce qui convient pour que vos textes soient lus avec plaisir et sans efforts par une majorité de gens « du 4ème âge » !
Recherche d'approche non dévalorisante pour la personne :
A propos de cette même page 14 : il s'agit, selon vous, de nouvelles méthode pour s'occuper physiquement des personnes en institution, ainsi que de les aborder, psychologiquement. Ces méthodes ne sont pas du tout si nouvelles que cela. Mais, sans avoir besoin d'aller suivre des cours pour comprendre « comment s'y prendre », un premier impératif est de bénéficier, dans l'institution, d'un dirigeant sensible à ces problèmes. Qui travaille concrètement sur le terrain plutôt que d'être un simple administratif (tel maître - tel chien - que l'on m'excuse de la comparaison, mais elle reste valable pour toute époque...). Deuxième condition : que les soignants soient assez nombreux - oserais-je dire que c'est rarement le cas !? - alors, bien sûr, si, de plus, le personnel aime les résidents, c'est un gros plus, s'il s'y attache, c'est encore mieux - et si, à quelque part, « le nécessaire recul du soignant » n'existe plus tout à fait (et vous le mentionnez d'ailleurs, aussi, dans vos lignes, en approuvant, si je ne me trompe pas, cette effacement de la distanciation - tout comme moi-même l'approuve aussi...)
Je suis loin d'en avoir terminé ! (car je me sens un peu comme Robin des Bois - il s'agirait moins toutefois de la défense des pauvres que des « pauvres vieux ».) Puisque déjà je parle de « la vue », j'aborde aussi :
Les problèmes auditifs ! Beaucoup de publicités sont placées dans ce magazine, concernant ce genre de problèmes. C'est tout à fait normal. A la page 6, « la haute technologie au service de l'audition » semblerait nous en dire un peu plus…
Cet article, c'est à la fois trop, et pas assez !! Pourquoi !?
Eh bien si vous voulez vous en prendre le temps, visionnez donc l'enquête que j'ai menée dans le cadre du magazine de santé ALLO DOCTEUR, sur Intercom Santé 57. Par exemple : « la surdité liée à l'âge - ITW en vidéo de Mr... audioprothésiste à Thionville... (tapez dans recherche, p.d'accueil, en haut à droite...).
Il serait bon de faire comprendre aux personnes âgées, complètement égarées dans le dédale des multiples technologies, une notion simple : si leur appareillage ne concerne pas les 2 oreilles, avec une reconstitution du son en stéréo - pas la peine de dépenser de l'argent... de même que si la dépense n'est pas de 4000 € - la plus grande partie non remboursable - l'appareillage n'aura pas les performances suffisantes. Votre article sert à « mettre l'eau à la bouche », mais pas à informer véritablement...
A vous lire, on pourrait croire qu'à partir de 70 ans (baptisé 4ème âge!), l'on n'a plus d'autres aspirations que de rester en bonne santé, si possible faire de beaux voyages - guidés, de préférence - et aller faire des cures... Si cela est la réalité pour la majorité de ces personnes, je trouve que c'est assez restrictif...
La page 10 : « garder un corps souple... »
Cette page est très bien ! Une page sur les 39 (ou 40 ?) du magazine, c'est trop peu !
A la p 31, un rappel de l'utilité de l'activité physique, avec un peu de pub (pourquoi pas, si cela peut être utile...), p 32 « le rire guérisseur », et « ma ville à vélo » : c'est vivifiant...
Autrement dit, vous devriez développer ces points, à l'exponentiel : vous pouvez faire réaliser des dessins en bande dessinée, pour illustrer une catégorie de mouvements, à faire en musique, ou à défaut, sans musique - donner les coordonnées pour visionner des vidéos sur internet, montrant des mouvements utiles - présenter une succession de photos illustrant les mouvements - parler de la nécessité de demander à son médecin la prescription de séances de kiné... sur 3 mois, et pas sur 10 séances, pour combattre l'ankylose qui s'approche à grands pas. Vous citez d'ailleurs dans cet ordre d'idées «
www.passionsport.com ».
Rien n'est plus difficile que d'interpréter un mouvement uniquement en se basant sur des explications écrites... il faut visionner... Tout le monde, dans cette fameuse catégorie, ne sait pas utiliser l'ordinateur, et encore moins internet. L'importance de photos ou dessins illustrant vos propos est donc réellement prioritaire.
Par exemple, dans votre article p 10, vous parlez d'une façon très générale, en abordant des petits exemples, mais d'une façon très (trop) succincte. Il conviendrait de développer ensuite ces exemples, en photo (ou dessins) sur plusieurs pages. Là, le sénior se sentirait vraiment épaulé !
« Le mouvement, c'est la vie », personne ne le contestera. Il faut absolument qu'à ce thème vous consacriez la majorité de l'espace dans ce magazine - et pas la minorité.
Vous pouvez proposer aux personnes plus ou moins handicapées par l'arthrose, prothèses de hanches et autres gros bobos etc., d'essayer de visionner, sur INTERCOM-SANTE 57 une ou plusieurs séances de « gym à l'EHPAD » : sur la page d'accueil du site, en-haut à droite, tapez dans RECHERCHE : « gym à l'EHPAD ». L'intérêt serait de visionner « quelque chose qui se passe près de chez nous ». Je suis animatrice de gym bénévole dans différentes EHPAD. Mais je répète : pour la majorité de vos lecteurs du « 4ème âge », rien ne remplacera photos ou dessins « in situ ».
J'ai personnellement maintenu mon époux atteint d'une maladie rare, en vie, pendant de longues années, grâce à ce genre de mouvements, et, non pas grâce à de « l'humanitude » (tout simplement grâce à l'amour... Fait-il tant défaut à l'heure présente qu'on en parle si peu !? ).
L'activité des seniors à la hausse : c'est encourageant. Là encore, il faudra davantage donner la parole à la personne « qui le vit » plutôt qu'à celles et ceux qui « regardent vivre ».
Plus d'une page gagnerait d'ailleurs à être consacrée à « la parole aux seniors »... Certes, une certaine prospection serait peut-être utile...
J'ai conscience de ne pas avoir « tout dit sur Génération + »... loin de là. Aussi bien en négatif qu'en positif, si je puis dire. Le temps me manque. C'est un 1er jet.
Une dernière chose, pour finir, au moins avec le sourire ! : p 12 : « le rire guérisseur »... Et là encore parole au médecin !! Tout ici doit donc rester dans le cadre des « conseils opportuns et de bon ton » ! Les personnes âgées ne savent plus rire !? Oh, je pense que c'est souvent vrai ! Mais au lieu d'une sorte de prêchi-prêcha moderne, si l'idée vous venait d'imprimer quelques bonnes blagues, dans vos pages, au lieu simplement de leur recommander de les lire, qu'est-ce qui l'empêcherait !? Dans la brochure « Fémina » qui nous est distribuée par le RL, également, la toute 1ère action que j'effectue : vite, je regarde la petite bande dessinée de l'illustratrice Marianne Maurie Kauffmann - et chaque fois, je me tords !
Et puisque nous parlons de bénévolat : il semblerait bien que vous ayez omis d'éclairer cet aspect du rôle actif des séniors, le bénévolat. Ou alors cela m'a échappé... ? Lequel permet d'agir, de faire plaisir aux autres, et de se faire plaisir en même temps. Mais peut-être n'est-ce que partie remise... ?
Bien vôtre
Simone Schlitter - Présidente-Fondatrice de l'Association Cancer-Espoir - 3, rue des Peupliers à Zoufftgen / Zoufftgen, le 11 novembre 2013
PS : Quant aux médicaments, et à leur action iatrogène, et l'abus qui en est fait : aïe aïe aïe ! Auriez-vous eu peur de développer davantage, ou est-ce programmé pour le futur ?