
EDITO 02/14
Hélicobacter Horribilus Piloris
Monica (on va la dénommer ainsi) me l'avait décrit d'une façon inoubliable ! Elle hébergeait cette horripilante bestiole dans son estomac, bien au chaud, au milieu des gargouillements de ses sucs gastriques. Et Mathilda (on va l'appeler ainsi) avait cru bon, pour la consoler, d'affirmer : « Oh, tu sais, vue sous le microscope, une araignée, transformée en éléphant, te ferait piquer un sprint, vite fait, bien fait ! »
Monica suivait un traitement de choc, tous les 6 mois, pour exterminer la bestiole horripilante, responsable de ses ulcères d'estomac, et de beaucoup d'autres crimes, dont celui de provoquer des cancers à tour larigo.
Le traitement consistait en une énergique purge aux antibiotiques. Ça s'appelait « trithérapie » (pas celle concernant le sida quand même !).
Je m'étais sagement tenue coite. J'avais juste avancé timidement : « Ben, tes entérocolis, au niveau de ton colon, t'en fais quoi !? »
Timidement, j'avais juste prétendu, de plus : « Moi, je m'étais dégonflée, vue la trithérapie qui te donne à tous les coups une triple chi...chi...chiante !! » (c'est le cas de le dire !).
« Oh mais, rétorqua péremptoirement Monica, quand y faut, y faut !! Le toubib l'a dit ! Donc j'le fais ! C'est bête : la bestiole renaît de ses cendres, tous les 6 mois, mais on verra bien laquelle de nous deux sera l'ultime... vainqueur... Elle eut une ultime hésitation (devait-elle dire : « vainqueuse » ?).
C'est bête, songeais-je, depuis le temps qu'ils parlent de l'égalité des sexes, ils auraient bien pu mettre « vainqueur » au féminin... mais non, vérification faite dans le Petit Larousse, il n'y a que des vainqueurs hommes ! (les professeur(e)s, peu à peu, se féminisent - tout comme les auteur(e)s - mais pas encore les docteurs...).
Et sur ce, me revinrent en mémoire, opportunément les croquettes de Mister Yack, lesquelles risquaient le soir même de tomber en pénurie, entraînant par-là même tout un cortège d'embêtements du genre : « tu vois bien qu'j'ai pas mangé à ma faim, qu'est-ce que t'attends pour me r'filer tes restes ? - Non pas ton reste de soupe aux poireaux, plutôt tout le gras d'la viande que t'allais j'ter, j'l'ai bien vu... ! Eh, s'il te plaît, sois un peu polie, aussi... ne lis pas pendant qu'tu manges, refiles-moi juste le nonos au bout d'la table, avec une p'tite caresse, si ça va. Et p'têtre ben, du coup, j'te foutrai la paix... ».
Oh, vite, les croquettes de Mister Yack, à l'hypermarché du coin ! Et là, par quelle association d'idées m'étais-je remise à songer à Hélicobacter Horripilus ? Peut-être même horribilus, en plus ! C'était arrivé comme ça : j'oubliais régulièrement de me munir de ma loupe pour scruter les secrets d'alcôve - je veux dire : ce qui était écrit tout petit sur les gros paquets de produits préfabriqués-précuits et préemballés. Mais j'avais mis au point une tactique qui s'appuyait sur la méthode statistique globale, pour compenser mon défaut de vision et de mémoire : plus longue était la liste des additifs, conservateurs, acide machin, aspartame et amstramgram, et moins j'achetais... Parfois je risquais même de souffrir de la faim, ne me prenant pas toujours le temps de cuisiner « du frais », et me refusant absolument à nourrir mon propre Hélicobacter Piloris de tout ce dont il était très friand, à savoir : additifs, colorants, conservateurs, acide machin, aspartame et amstramgram.
Car mon Hélicobacter à moi, il restait tapi, le plus souvent, à moitié endormi, dans un petit racoin de mon estomac. Mes défenses naturelles avaient dû le neutraliser. Mais si jamais je m'avisais de lui distribuer, deux journées de suite, les bonnes substances susdites, dont il raffolait, bing et bang et ratatang, il me labourait la panse de ses dents de requin - si bien que j'avais trouvé ce compromis, finalement bien pratique : plus la liste était longue, moins j'achetais, et mieux je me portais.
Mais allez donc dire ça à quelqu'un qui croit en les vertus de la « trithérapie ». Je risquais de me faire lapider au même titre que si j'avais nié l'existence de Mahomet, du Dieu des chrétiens, ou de Jéhovah !
Ce n'était pas tous les jours facile. Certains jours, j'errais dans les travées, saisie d'un irrépressible besoin d'absorber quelques protéines, autres que celles des œufs des poules élevées « à l'air libre » - ou « au grand air », ou « en liberté », je ne sais plus trop. Et d'ailleurs je n'avais jamais réellement su dans quelle mesure les œufs bio avaient été pondus par une poule courant picorer les vers de terre dans le pré, ou plutôt les cous déplumés de ses voisines encagées. J'étais certaine d'une chose : il fallait à tous prix que j'évite la belle viande très très rouge dont la bouchère, souriante et active, se plaisait amoureusement à débiter, de son couteau bien aiguisé, de superbes tranches. Depuis qu'un jour un jeune boucher, aussi naïf qu'un peu trop bavard, m'avait avoué en aparté, qu'on trempait la viande dans un colorant rouge, avant de la placer en étalage, je faisais semblant de regarder ailleurs, en passant, toute raide, devant de gentilles filles qui ne souhaitaient qu'une chose : me couper, avec leur couteau bien aiguisé, une belle tranche d'entrecôte piquetée d'un brin de gras, un brin rosé (quand la graisse, et la moelle de l'os sont rosés, c'est que la viande est colorée - ça rime... et c'est vrai ! Et ça rime encore...).
Vous voulez la preuve !? Prenez un bon kg de bœuf pour le pot-au-feu (rondelle ou haute-côte, par.ex.), faites tremper la veille (sans chauffer) dans votre grande marmite. Le lendemain matin, récupérez l'eau : elle est rouge. Récupérez la viande : elle est devenue blanche...
Ensuite, ben, agissez selon vos goûts, et votre appétit !
Du temps de ma mère, ça n'existait pas ! L'eau restait blanche, et la viande rouge. Sauf dans un cas particulier : lorsque ma mère cachait son porte-monnaie en maroquin dans la cocotte-minute, avant d'aller ouvrir quand ça sonnait à la porte. Dans ce cas, par contre, le bouillon de bœuf était vert. Mais les billets de banque parfaitement récupérables.
Sur ce : bon appétit à tous et à toutes (du fond du cœur !)
La Présidente-Fondatrice de Cancer-Espoir : Simone SCHLITTER